Les sachets de nicotine bientôt bannis, au grand dam des buralistes

Les sachets de nicotine, très prisés des jeunes, seront interdits en France à partir de mars 2026, conformément à un décret paru au Journal officiel le samedi 6 septembre. Ces produits sont dénoncés pour leur toxicité et leur caractère addictif, en particulier pour les enfants et adolescents. Si les associations anti-tabac saluent leur bannissement, les fabricants et les buralistes critiquent une décision arbitraire sans avenir.
Après les puffs, les sachets de nicotine. Un décret paru au Journal officiel, le samedi 6 septembre, fixe l’interdiction des sachets de nicotine à partir de mars 2026. Ce bannissement vise l’ensemble des produits à usage oral contenant de la nicotine, à l’exception des médicaments et dispositif médicaux. Sont donc concernés les sachets portions ou sachets poreux, les pâtes, billes, liquides, gommes à mâcher, pastilles, bandelettes et toute combinaison de ces formes. Cette nouvelle interdiction fait suite à celle des cigarettes électroniques jetables depuis fin février, et à celle de fumer dans les espaces publics (comme les jardins et parcs, les plages ou encore aux abords des écoles) depuis le 1er juillet.
Les sachets de nicotine considérés comme des substances vénéneuses
Le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités explique que cette décision doit permettre de « protéger la santé publique » car « la nicotine est désormais considérée comme une substance vénéneuse en raison de ses effets nocifs, et son usage à visée récréative présente un risque d’initiation au tabagisme, notamment chez les jeunes ».
Aussi, l’interdiction refléterait l’engagement de longue date de l’État contre les « risques liés aux addictions ». Le gouvernement (celui de Barnier) avait annoncé à l’automne 2024 son intention de bannir les sachets de nicotine, également appelés pouches, face aux cas d’intoxications chez les adolescents. Un an plus tôt, en novembre 2023, l’Anses avait déjà appelé à une vigilance particulière sur ces sachets tout comme sur les billes aromatiques.
Des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères
Apparus en 2022 en France, les sachets de nicotine sont des alternatives au tabac. Ils renferment, dans un tissu perméable, des fibres de polymères imprégnées de nicotine et d’arômes, à glisser entre la lèvre et la gencive. Comme les snus (tabac sous forme de sachet à usage oral interdit à la vente en Europe), les sachets de nicotine peuvent provoquer des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères. Comme des vomissements prolongés avec risque de déshydratation, des convulsions, des troubles de la conscience et de l’hypotension. Les billes aromatiques présentent aussi un risque d’accident domestique. En particulier pour les enfants de moins de trois ans qui les ingèrent par inadvertance.
L’interdiction des sachets de nicotine, une « victoire » pour la santé publique
D’après des données du Global Markets Insights, le marché mondial des pouches a atteint 6,6 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros) en 2023, et pourrait passer la barre des 27 milliards de dollars (23 milliards d’euros) en 2032. L’Alliance contre le tabac (ACT), une fédération d’associations anti-tabac, a salué dans l’interdiction gouvernementale une « victoire » pour la santé publique, surtout pour la santé des jeunes. Ces derniers, dit-elle, sont victimes des « stratégies pernicieuses d’une industrie qui prospère sur le marché de l’addiction, au détriment de la santé publique » et qui impose ses intérêts grâce à un puissant lobby.
L’organisation dit constater avec peine que les sachets de nicotine et les nouveaux produits nicotiniques (tabac chauffé et cigarettes électroniques) sont devenus le nouvel eldorado financier des cigarettiers face à la baisse de la consommation de cigarettes dans les pays développés. « Loin d’être des outils de sevrage, les sachets de nicotine et leurs dérivés (billes, perles) n’ont pour objectif que d’étendre le marché de l’addiction à la nicotine », ajoute l’association.
L’interdiction des sachets de nicotine, « une décision arbitraire »
Du côté des fabricants, évidemment, l’interdiction des sachets de nicotine passe mal. La British American Tobacco France et Philip Morris France ont dénoncé une « approche dogmatique, sans débat ni concertation ». Selon eux, la France « prend le risque (…) de priver les fumeurs adultes d’alternatives encadrées » au tabac et « s’entête dans une stratégie d’interdiction inefficace ». Même son de cloche du côté de la Confédération des buralistes. Son président Philippe Coy y voit également « une décision arbitraire » et sans avenir. « L’arrivée sur le marché français de ces sachets de nicotine était une opportunité pour les fumeurs adultes de sortir du tabagisme traditionnel », assure-t-il.
Vers le développement du marché parallèle
Philippe Coy pense que « c’est une erreur manifeste que font les pouvoirs publics » car ils accordent une « victoire aux trafics ». Comme pour les puffs depuis six mois, le président de la Confédération des buralistes craint que le marché parallèle ne se développe davantage. Il note qu’il est déjà facile de se procurer un sachet de nicotine sur Internet ainsi que dans certaines épiceries ou bazars. Les buralistes relèvent par ailleurs que cette interdiction a été décrétée par un gouvernement condamné à la dissolution (François Bayrou a perdu son vote de confiance au Parlement deux jours plus tard). Enfin, ils se demandent s’ils n’y avait pas de sujet plus important à régler pour les Français en ce moment…