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Réforme des retraites : le gouvernement veut-il ruser avec les oppositions ?

Sébastien Lecornu a promis la suspension de la réforme des retraites pour calmer les oppositions et éviter la censure. Ce mardi, le premier ministre a annoncé l’adoption d’une lettre rectificative au PLFSS en ce sens. Mais, pour le PS, c’est un piège qui se referme car, pour acter cette suspension, il faudra « voter le budget de la sécurité sociale avec toutes les horreurs qu’il contient ».

Dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée, le 14 octobre, Sébastien Lecornu a promis au Parlement une suspension de la réforme des retraites de 2023 jusqu’à l’élection présidentielle. Une semaine plus tard, le premier ministre a annoncé devant l’Assemblée nationale qu’une lettre rectificative au PLFSS sera adoptée jeudi en conseil des ministres. « Le conseil d’Etat a été saisi cette nuit [la nuit du lundi à mardi] d’une lettre rectificative pour ajouter la suspension de la réforme des retraites au budget de la Sécurité sociale, et qu’un conseil des ministres aura lieu jeudi matin pour l’adopter », a-t-il déclaré.

Plus de débat au Parlement par le biais d’un amendement

Le recours à une lettre rectificative permet au gouvernement de déposer un nouveau projet de loi de finances pour la Sécurité sociale (PLFSS), incluant la suspension de la réforme des retraites de 2023. Grâce à cette astuce, la suspension ne fera pas l’objet d’un débat au Parlement par le biais d’un amendement. Par ailleurs, le dépôt d’une lettre rectificative remet à zéro les compteurs du délai de cinquante jours fixé pour le débat sur le PLFSS. Ce qui arrange les oppositions. Quant à l’exécutif, il pourra adopter un budget par ordonnance, si les parlementaires ne se mettent pas d’accord sur un texte d’ici mi-décembre.

Pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, il faudra voter le budget de la sécurité sociale

Manuel Bompard voit d’un mauvais œil l’annonce de M. Lecornu sur l’insertion de la suspension de la réforme Borne au projet de budget. Selon le coordonnateur de La France Insoumise (LFI), c’est un piège qui se referme sur son parti. « Pour le voir advenir (un gel de la réforme), il faudra voter le budget de la sécurité sociale avec toutes les horreurs qu’il contient. Sinon, le gouvernement imposera son budget par ordonnances », a-t-il analysé. Pour le député des Bouches-du-Rhône, l’exécutif cherche à faire avaler la pilule du budget aux Insoumis en l’enrobant de la réforme des retraites. De même, il voudrait enfariner toute l’opposition car la Macronie n’aurait pas l’intention de lâcher sa réforme.

Emmanuel Macron nie presque la décision de suspendre la réforme des retraites

En témoigne les propos du président de la République ce mardi, lors d’une conférence de presse à Ljubljana, en Slovénie. Le chef de l’État a nié que l’exécutif ait acté une « suspension » de la réforme de 2023, y voyant un simple « décalage » dans le temps, dans « un souci d’apaisement ». Il a ajouté que le premier ministre a fait ce choix « pour apaiser le débat actuel » et que « c’est le débat parlementaire qui donnera l’issue de ce sujet ». Cette subtilité sémantique a mis en rogne les représentants des partis politiques de l’opposition.

Le PS menace Sébastien Lecornu d’une motion de censure s’il ne respecte pas sa parole

En premier lieu le leader des Insoumis », Jean-Luc Mélenchon, qui crie au piège depuis plusieurs jours. « La réforme des retraites à 64 ans n’est ni abrogée, ni suspendue. Elle est DÉCALÉE. Il est temps dorénavant de partir de la réalité et non de la propagande des autosatisfaits pour entrer dans la lutte », a-t-il écrit sur X. De son côté, la cheffe du RN à l’Assemblée, Marine Le Pen, a dit constater que « cette suspension ressemble de plus en plus à une fausse promesse ». Pour sa part, le secrétaire général du PS Olivier Faure a déjà menacé Sébastien Lecornu d’une nouvelle motion de censure s’il ne respecte pas ses engagements.