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Financement des jeunes pousses : quand les start-up s’écartent des chemins battus

L’essentiel des modalités de financement des start-up intervient de manière segmentée dans leur progression. Si l’ensemble des investisseurs cherchent les solutions pour tenter de raccourcir les étapes, plusieurs jeunes pousses comme Jimmy Fairly avec HLD Europe ou Legalstart avec Omnes capital cherchent des solutions de financement pérennes et plus simples. Des approches qui demeurent pour le moment des chemins de traverse, mais qui peuvent représenter des voies d’avenir.

Dans un contexte européen de multiplication par 2,5 des levées de fonds à destination des start-up, la France fait bonne figure, mais son dynamisme demeure plus faible que certains de ses voisins, comme l’Allemagne. Depuis le début de l’année 2021, 10,15 milliards d’euros de levées de fonds ont été réalisées – contre 5,4 milliards en 2020, et 4,6 milliards en 2019. Une augmentation quasi par deux, qui demeure plus faible que la multiplication enregistrée, par exemple, en Allemagne, sur la même période. Selon Arthur Porré d’Avolta Partners, cette relative sous-performance s’explique essentiellement « par la jeunesse de l’écosystème tech français » (Le Figaro). Une bonne dynamique toutefois, principalement portée par les solutions historiques de financement des start-up hexagonales. Mais pas que.

Des solutions de financement historiques segmentées sur la chaîne de valeur

En matière de financement des jeunes pousses, malgré une grande diversité et un historique encore limité, le parcours est fléché et les usages bien établis. Dans un premier temps la start-up attire un ou plusieurs business angels, puis, au gré de ses réussites et de ses besoins de financement, enchaîne les levées de fonds auprès d’investisseurs positionnés tout au long de la chaîne de valeur, capital-risque, capital développent, capital investissement, pour le cas échéant, finalement, s’introduire en Bourse, opérer un LBO ou céder une majorité du capital à une entreprise en recherche de diversification ou d’innovation.

Les parcours sont divers mais les étapes relativement bien balisées avec, à chaque fois, des opérateurs prêts à accompagner l’entreprise pour une période de temps limitée, le temps de franchir l’étape et de passer à la suivante avec un nouvel opérateur de financement. Les entreprises en créant des structures de corporate venture, les Bourses, en créant des marchés actions dédiés avec des formalités d’admission allégées, ont bien essayé d’anticiper leur positionnement et d’abréger ce parcours afin de capter une plus grande part de la chaîne de valeurs. Jusqu’à présent, leurs succès sont restés limités. Malgré quelques exceptions parfois brillantes, les étapes n’ont pas été sautées mais respectées. Il n’est pas sûr qu’il en aille toujours de même si l’on en juge par quelques exemples récents de jeunes pousses ayant fait le choix d’emprunter des chemins de traverse.

Legalstart avec Omnes Capital, Jimmy Fairly avec HLD Europe… des cas qui tranchent dans le secteur

Premier exemple, réservé à des entreprises disposant d’un business model rentable leur permettant d’autofinancer leur croissance, celui de Legalstart, plateforme de services juridiques et administratifs sur Internet lancée en 2014. Depuis 2015, Legalstart a connu une croissance accélérée avec un taux moyen annuel supérieur à 70 %. Ce n’est qu’en 2019 que le capital a été ouvert à 25 % et, en septembre 2021, que les fondateurs de Legalsart ont fait le choix, non pas d’ouvrir un peu plus leur capital à un nouvel intervenant, mais celui d’un LBO, sur une base de valorisation de l’ordre de 100 millions d’euros, dont le financement, non dilutif, a été assuré par une dette « unitranche » apportée par Omnes Capital. LBO et start-up, deux concepts a priori antinomique qu’un business model favorable a permis de concilier.

Deuxième exemple, les biotechs qui ont longtemps été vues, au moins en Europe, comme un pari trop risqué pour que les investisseurs institutionnels puissent s’y intéresser Peut-être influencés par la pandémie et l’exemple de Moderna, les investisseurs institutionnels n’hésitent plus à investir dans les jeunes pousses de la biotech. En un an Sofinova a pu lever plus d’un milliard d’euros pour des fonds « early stage » dédiés aux biotechs américaines. Courant mai, ArchiMed, société lyonnaise spécialisée dans les PME de santé, a pu lever 650 millions d’euros. Les jeunes biotechs européennes ne sont plus confinés à un cercle restreint d’investisseurs aux moyens limités. De nouvelles perspectives s’ouvrent à elles.

Troisième exemple, celui de Jimmy Fairly qui a fait le choix, avec la prise de participation majoritaire à son capital d’HLD Europe, d’un partenariat de long terme, non contraint par un horizon de temps déterminé. Après avoir révolutionné le monde de l’optique en proposant des collections haut de gamme à des prix accessibles, notamment en s’affranchissant de nombreux intermédiaires présents sur la chaine de valeurs, Jimmy Fairly est désormais prêt pour accélérer sa croissance à l’international et sur le canal digital. La capacité d’HLD Europe à accompagner sur le long terme, la possibilité de disposer du temps nécessaire pour imposer leur marque à l’international et en faire une marque de référence dans l’optique, l’absence d’obligation à horizon de cinq ans d’un nouveau tour de table avec un nouvel intervenant subi et non choisi, sont les éléments qui ont convaincu les fondateurs de Jimmy Fairly de s’engager dans un partenariat de long terme avec HLD Europe et de lever ainsi des contraintes de financement qui pèsent parfois sur le développement des jeunes pousses.

Progressivement, les start-up ou du moins certaines d’entre elles s’affranchissent des figures imposées et des étapes obligées dans leur parcours de financement. Si elles peuvent le faire, c’est qu’elles ont acquis une crédibilité nouvelle leur permettant de faire des choix non-conventionnels, de décider sans contrainte de leur avenir, en un mot de devenir adultes. Le fait que ces start-up trouvent un écho et une réponse favorable de la part d’investisseurs et de fonds d’investissement prêts à les accompagner sur la durée, est également une bonne nouvelle. Les start-up ne sont plus condamnées à se vendre au plus offrant. Des solutions alternatives existent. Les chemins de traverse seront peut-être les voies d’avenir.