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Caméras augmentées : pour la CNIL, leur utilisation n’est « ni nécessaire, ni proportionnée » chez les buralistes

Certains bureaux de tabac utilisent des caméras augmentées pour estimer l’âge de leurs clients avant de leur vendre des produits interdits aux mineurs. La CNIL considère que l’utilisation de ces dispositifs n’est « ni nécessaire, ni proportionnée » dans ces lieux.

La loi impose aux buralistes de vérifier que leurs clients ont atteint la majorité avant de leur vendre des produits interdits aux mineurs comme le tabac, la cigarette et l’alcool. S’ils peuvent largement se fier aux pièces d’identité, certains marchands ont recours à des dispositifs de caméras « augmentées » pour estimer l’âge de leurs clients. Interpellée par des associations, la CNIL a publié la semaine dernière sa position sur cette pratique. Elle a également donné les conditions de déploiement des systèmes de vidéo « augmentée » dans les lieux ouverts au public.

Le recours aux caméras augmentées dans les bureaux de tabac « n’est ni nécessaire, ni proportionnée »

Dans son avis, la CNIL considère que l’utilisation de caméras augmentées pour estimer l’âge des clients des bureaux de tabac afin de contrôler la vente de produits interdits aux mineurs « n’est ni nécessaire, ni proportionnée ». Pour rappel, les caméras ou vidéos « augmentées » désignent des dispositifs vidéo couplés à des logiciels permettant une analyse automatique de l’image. Ces systèmes s’appuient principalement sur un algorithme d’intelligence artificielle qui scanne le visage de la personne pour estimer si celle-ci est mineure ou majeure.

Des risques d’erreur sur l’âge comme pour tous les systèmes d’IA

Dans les bureaux de tabac, ces caméras augmentées indiquent par un voyant vert ou rouge, si l’âge estimé des personnes dépasse ou non un âge fixé pour certains achats (18 ans, 21 ans ou autre). Elles sont activées par défaut, une fois installées. Ces dispositifs servent généralement d’outils d’aide à la décision. Ainsi, ils n’ont pas pour objectif de prouver la majorité des clients, mais de la confirmer après vérification de la carte d’identité. Aussi, utilisés seuls, ces appareils ne peuvent qu’estimer l’âge des personnes, sans certitude, avec un risque d’erreur, comme tout système d’intelligence artificielle.

L’utilisation des caméras augmentées pourrait pousser les buralistes à se passer du contrôle des pièces d’identité

La CNIL ne voit donc pas leur nécessité et leur opportunité dans ce contexte. « La caméra ‘augmentée’ ne procédant qu’à une estimation, le respect de leurs obligations suppose quand même que les buralistes demandent systématiquement à leurs clients une preuve de majorité », note le gendarme des données dans sa publication. En d’autres termes, l’analyse préalable du visage des personnes par une caméra ne ferait que s’ajouter au contrôle requis par la loi. D’ailleurs, l’utilisation de ce dispositif pourrait inciter les buralistes à s’en remettre uniquement au résultat rendu par la machine, sans plus de vérification. Ce qui serait dommageable.

Le déploiement des caméras augmentées doit respecter les principes posés par le RGPD

La CNIL évoque également le volet des données personnelles. Elle relève que les personnes entrant chez les buralistes ne sont pas uniquement filmées, mais analysées de manière automatisée, en temps réel, afin de collecter certaines informations les concernant. Fort de cela, l’organisme estime que l’analyse du visage effectuée par ces caméras dites « augmentées » doit respecter les principes posés par le RGPD pour être déployées légalement. En outre, souligne-t-il, le déploiement des caméras augmentées dans des lieux de vie comme des bureaux de tabac contribue à un risque de banalisation et d’habituation à une forme de surveillance renforcée.

La CNIL propose d’autres solutions

Pour remplir leurs obligations de contrôle de l’âge sans enfreindre les règles du RGPD, la CNIL conseille aux buralistes de recourir à d’autres solutions. Comme la vérification d’un titre d’identité ou de tout document officiel contenant la date de naissance de la personne. Ils peuvent aussi vérifier l’âge du client sur certaines applications mobiles qui prouvent la majorité avec exactitude en affichant un minimum d’informations. C’est le cas par exemple du « mini-wallet », une application de contrôle de l’âge développée par la Commission européenne, et dont un prototype sera disponible dès cet été. L’Alliance contre le Tabac (ACT) dit apprécier la position de la CNIL et ses recommandations.